L’autonomie, clé du changement – Fiche de lecture et interview

L’autonomie, clé du changement, ouvrage par l’auteur Frank Hermann, nous invite à cheminer vers notre autonomie, sur notre parcours de vie. 

Ce livre est très riche en concepts et enseignements sur ce qui fait qu’on mène nos vies de la manière dont on les mène.

A noter : le résumé qui suit se veut être justement cela : un résumé de ses points principaux. Nous vous incitons à le lire en entier, si vous souhaitez aller plus loin.

Acheter L’autonomie, clé du changement, sur le site de l’éditeur Chronique Sociale.

Mais tout d’abord, pourquoi parler d’autonomie, et de ce livre, sur le blog d’entreprise d’une agence digitale ? Car MotiWeb tente d’allier écologie et marketing, nous voulons nous engager pour que le marketing digital soit un outil en faveur de la transition nécessaire de nos sociétés (et non une partie du problème). Et dans cette mission, il nous semble primordial de mettre l’accent sur :

  1. la formation, au sens noble du terme, à savoir d’aider nos clients et partenaires, ainsi que notre équipe, via la formation, à se mettre en chemin et s’approprier les notions de marketing responsable et durable, pour que le marketing fasse partie intégrante d’une démarche RSE d’entreprise.
  2. l’autonomie, car celle-ci détermine la justesse de nos choix de vie, incluant sur un plan professionnel. Pour protéger notre environnement, il faut d’abord pouvoir se donner l’autorisation, puis les moyens, de le faire, et cela passe par une démarche de travail sur son autonomie.

Nous commençons par un résumé des points-clés du livre, et avons aussi le plaisir d’interviewer l’auteur, en fin d’article !

Si vous avez des questions ou remarques pour l’auteur, n’hésitez pas à entrer en contact avec MotiWeb, qui vous mettra en relation avec plaisir.

Bonne lecture 🙂

Résumé du livre L’autonomie, clé du changement

Sepateur MotiWeb Reflet dans l'Eau v3

L’autonomie est à rapprocher d’un autre concept, la pédagogie du Projet.

En effet, l’auteur est un formateur et pédagogue, qui tire une partie de ses savoirs de son ami Jean Vassileff, disparu en 1996.

Le travail des deux hommes consiste à refondre l’action de formation, pour la centrer sur le projet de l’apprenant et lui permettre d’être autonome.

Par-là même, et au-delà d’une simple action de formation, la formation devient un instrument du changement de la vie entière de l’apprenant, qui apprend à être autonome.

Quels sont les déterminants de l’autonomie ?

Pour être autonome, encore faut-il être libre (ce qui est une condition externe : vivre dans un pays démocratique et/ou être libre de ses actions et mouvements).

Si on est libre, cela ouvre la possibilité d’être authentique, ce qui signifie ici vivre ses désirs profonds, plutôt que de s’adapter et suivre la masse…

Et enfin, à l’aide de notre liberté et de notre authenticité, nous pouvons alors enfin atteindre la responsabilité.

L’auteur illustre bien ce concept de la responsabilité par cet exemple : on demande à nos enfants, à l’école, d’être responsables (bien se tenir, être à l’heure, etc) mais sans leur donner la liberté d’apprendre ce qui les intéresse, ni en favorisant leur authenticité (plutôt en cherchant à les faire entrer dans un moule). Equation impossible !

Projection et adaptation

L’auteur traite aussi de la différence entre projection et adaptation.

Il estime qu’il est nécessaire d’avoir un bon équilibre entre ces 2 pôles.

L’adaptation est malheureusement très répandue dans notre société : on s’adapte à un cadre sociétal, juridique, éducatif, professionnel, mais rarement avons-nous la possibilité de projeter nos propres désirs, de “faire comme on voudrait vraiment”, pour le dire autrement.

L’adaptation est très nécessaire lorsqu’on est enfant, elle nous permet de nous insérer dans un cadre familial puis social, de survivre ! Mais à l’âge adulte, nous pouvons certainement être davantage dans la projection que l’adaptation.

L’autonomie et le vide institutionnel

Sur base des travaux de Jean Vassileff, l’auteur nous indique qu’une formation réellement réussie passe par le vide institutionnel : c’est-à-dire qu’on propose à l’apprenant de faire ce qu’il souhaite de son temps de formation, on lui ouvre sa liberté, pour lui permettre de trouver son authenticité et ensuite de prendre la main (se responsabiliser) sur sa formation.

Le formateur devient alors un soutien à la formation prise en charge par l’apprenant lui-même.

Avouez que c’est bien loin des actions de formation qu’on rencontre dans 99% des cas !

Pour certains, c’est difficile, tant ils sont dans l’adaptation permanente. Cette liberté retrouvée peut être déstabilisante.

Quand la formation “permet” ainsi une liberté à l’apprenant, c’est comme si l’institution de formation “démissionnait” et on peut donc parler de vide institutionnel.

L’auteur cite ici, très à propos, Jean-Paul Sartre : “Que vais-je faire de ce qu’on a fait de moi ?” (il s’agit d’une paraphrase).

On le comprend bien : l’apprenant autonome est celui qui apprendra le mieux et apprendra ce qui est important pour son projet de vie (d’où le terme de pédagogie du projet).

L’Homme angoissé

Frank Hermann nous parle ensuite de notre société : nous sommes dans l’ère de l’abondance économique, alors que dans d’autres pays, des gens meurent de faim. Comment peut-on accepter une telle situation ?

Comment peut-on également accepter la domination économique et financière de certaines personnes, qui se comportent comme des “petits chefs” et des prédateurs de la richesse économique ?

Comment peut-on accepter que des hommes, femmes et enfants travaillent des heures impossibles, dans des conditions de travail difficiles, pour produire des vêtements ou chaussures, vendues à prix élevés, et souvent mis dans un placard après être utilisés 3 ou 4 fois ?

Tout cela trouve son origine dans les angoisses des Hommes.

Ces angoisses sont un frein vers notre autonomie, et donc notre capacité à apprendre et grandir, ainsi que de faire ce qu’on veut réellement de notre vie.

Voici les 4 angoisses principales dont les êtres humains souffrent :

  • l’angoisse de la faute, de faire une erreur
  • l’angoisse de l’appauvrissement (de mourir de faim, ou de manquer)
  • l’angoisse de la ségrégation (ne plus faire partie du groupe, dont nous dépendons pour notre survie)
  • l’angoisse de la situation sans issue, d’être bloqué dans une situation inextricable.

Et par suite, l’auteur conclut que ces angoisses doivent être analysées et comprises par la personne en chemin vers l’autonomie, faute de quoi il ne pourra atteindre l’autonomie.

Les déterminants socio-affectifs

En lien avec notre angoisse, il y a aussi “ce qu’on a fait de moi” qui détermine nos choix de vie et notre capacité à rompre avec ceux-ci.

Nous avons tous été “formatés” par un contexte familial, culturel, éducatif, politique, etc.

Tous ces formatages correspondent à des déterminants socio-affectifs, qu’il nous faut également analyser et comprendre, pour qu’ils ne représentent pas un frein au chemin vers l’autonomie.

L’auteur poursuit ensuite avec une analyse de comportements fréquents et nocifs dans nos sociétés, en particulier celui du “petit chef” (dont nous retrouvons des exemples saillants jusqu’au sommet des états démocratiques…).

Autonomie et société

Nous sommes des êtres sociaux et l’auteur poursuit par une analyse globale de notre société.

Les liens entre nos angoisses individuelles et leurs implications sociétales sont mises en exergue.

Des thèmes tels que la superstition religieuse, le consumérisme, l’infantilisation des citoyens par les “experts” ou encore le star système sont analysés, décortiqués et mis à mal par la grille d’analyse des angoisses humaines.

En simplifiant à outrance, on pourrait dire que nos névroses (angoisses) individuelles se transmutent en névroses collectives, aboutissant à une société qu’on peut qualifier de dysfonctionnelle.

La recherche de l’autonomie participe à réduire l’écart entre ce que nous vivons aujourd’hui (une société inégalitaire, des fois injustes, donnant plus de poids à la technique qu’au vivant…) et une utopie (qui serait l’inverse : respectueuse du vivant, équilibrée dans la répartition des richesses, permettant à chacun de vivre sa vie librement, etc).

En pratique, aller vers l’autonomie

Après ce parcours déjà passionnant, donnant une grille de lecture de nos fonctionnements individuels et sociétaux, l’auteur aborde ensuite des solutions à tout ceci.

Tout d’abord, l’angoisse : l’analyse et la compréhension, permettent progressivement de trouver des solutions pour la dépasser, jamais complètement peut-être, mais de manière suffisante pour vivre sa vie, de manière autonome.

L’une des solutions, c’est l’amour au sens large. Et ceux qui pratiquent la méditation, le yoga ou s’intéressent aux traditions philosophiques orientales (bouddhisme par exemple), que l’auteur ne cite pas, trouveront ici réconfort dans la conclusion que l’angoisse s’estompe dès que le cœur s’ouvre à la vie de manière générale.

Car l’amour impose des évidences : si j’aime mon prochain, je ne peux pas craindre son rejet. Si j’aime les animaux, je ferai davantage attention à ne pas les massacrer pour produire mon alimentation etc.

Le travail en groupe, dans un climat de confiance, permet également de conscientiser ses déterminants socio-affectifs, et de les verbaliser, ce qui facilite leur compréhension, dans un contexte social.

Le groupe est aussi l’occasion de remarquer et analyser les stratégies de pouvoir auxquelles nous faisons appel.

Enfin, le travail des histoires de vie permet de retracer son parcours de vie, en analysant ses angoisses, déterminants socio-affectifs et enjeux de pouvoir, afin de s’en rendre davantage libres, pour construire son autonomie.

A nouveau, ce qui précède ne retranscrit pas tous les concepts abordés dans l’ouvrage, mais a pour objectif de vous donner envie de lire le livre, et permet de planter le décor pour l’interview de l’auteur, qui suit ci-dessous.

Interview de Frank Hermann, auteur du livre L’autonomie, clé du changement

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Quelles sont les étapes-clés pour se mettre en chemin vers l’autonomie ?

Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre intérêt quant à mon travail, pour votre implication personnelle, pour la valorisation de mon livre. Je vous remercie également pour votre volonté de réfléchir et votre désir d’échanger. A mon avis, ce sont là deux qualités qui se font rares dans notre société.

Ensuite, votre question me permet de dire tout de suite que l’autonomie est un cheminement personnel, bien qu’il regroupe des notions de liberté, d’authenticité, de responsabilité, donc des dimensions collectives, sociales et sociétales. Ainsi, il n’y a pas de « recettes » à appliquer. Bien au contraire, chacun est amené à construire son chemin parce que construire notre autonomie signifie sortir des sentiers battus.

Mais il y a certainement des données importantes que nous devons prendre en considération, si nous ne voulons pas nous illusionner sur notre autonomie.

A ce titre, il me semble important de préciser que l’autonomie socio-affective, conceptualisée par Jean Vassileff, dont les travaux me sont très importants, met l’accent sur la dimension affective et la dimension sociale de nos existences d’humains. Concrètement, ceci veut dire que nous intégrons l’approche intellectuelle et conceptuelle dans une conception englobante où notre affectivité n’est plus seulement un sujet d’étude d’experts, mais est investie de manière constructive par nous-mêmes.

Pour donner un exemple concret. Je vous remercie pour votre intérêt à mon travail, non parce que je veux vous flatter, non pour jouer la carte affective, mais parce que votre attitude m’a authentiquement touché, m’a ému. Ensuite, je cite mon ami Jean Vassileff, non parce que c’est mon guide, mon maître ou je ne sais pas quoi encore, mais parce que ses travaux me paraissent d’une actualité extraordinaire. C’est pourquoi ses réflexions sur une proposition pédagogique des plus concrètes me touchent, me passionnent, m’enthousiasment.

Par conséquent, je pense que nous devrions tous essayer de sortir la balise de l’affectivité humaine de l’enfermement névrotique qui lui enlève toute sa puissance existentielle. La névrose obsessionnelle et la schizoïdie bannissent l’affectif et le dénigrent. La dépression noie la dimension affective dans une mélancolie infructueuse, l’hystérie pervertit des sentiments positifs dans une mise en scène inauthentique.

Comme mon grand professeur de psychanalyse, Eugen Drewermann, je pense que nous devons (re)construire notre centre d’affectivité au-delà de ces névroses.

Ceci nécessite un certain élan personnel. Cet élan peut avoir des formes diverses et variées en fonction de notre personnalité, en fonction de notre expérience de vie, en fonction de notre vécu du moment. Pour certains, cet élan se manifeste au travers des interrogations existentielles profondes, comme sur le sens de notre existence, pour d’autres ce sont des sentiments diffus qu’ils souhaitent clarifier, pour d’autres encore, c’est une envie de changer de vie, etc.

Afin de travailler sur son autonomie, une quelconque motivation personnelle est indispensable. Par conséquent, il s’avère judicieux de faire un tant soit peu confiance à soi-même, à la justesse de ses ressentis, de ses aspirations, de ses rêves.

Par la suite, il me paraît important de rencontrer des personnes incarnant la volonté de réaliser leur autonomie, des personnes qui nous donnent leur exemple. Non pour avoir une recette à appliquer, mais pour en avoir une idée observable.

Comme nous vivons dans une société de verbiage, les concepts les plus importants pour la vie humaine sont majoritairement pervertis. Par conséquent, aujourd’hui beaucoup trop de personnes confondent l’autonomie avec, par exemple, les notions d’indépendance, d’égoïsme, d’individualisme, et ne sont pas conscients des dimensions collectives, sociales et sociétales inhérentes au concept d’autonomie. Ainsi, il est aidant, me semble-t-il, de rencontrer une personne qui incarne le projet d’autonomie au quotidien de son existence. Bien sûr, ceci n’est pas indispensable, mais catalyse notre compréhension du terme, clarifie l’intuition que nous en avons.

Le courage d’analyser nos actes et nos non-actes (les actes manqués) permet de nous voir comme nous sommes.

Pour cela, il est nécessaire de s’approprier des grilles d’analyse permettant de cheminer vers son autonomie. C’est donc le courage de se mettre en question véritablement, au-delà de la sémantique, d’accepter souvent d’abord son hétéronomie, son aliénation afin de pouvoir déclencher le processus inverse consistant à construire son autonomie.

Le courage de projeter nos propres valeurs dans la société, de poser des actes incarnant nos valeurs personnelles est l’attitude qui nous montre autonomes. C’est la socialisation de son désir authentique qui caractérise une personne autonome. Mais n’oublions pas que ce désir comporte aussi bien nos dimensions égocentriques que sociocentriques. Car il n’y a pas d’autonomie sans être porteur d’un projet de justice socio-économique.

Ces quelques considérations, exprimées avec un vocabulaire plus commun, se retrouvent par ailleurs à l’intérieur de l’algorithme pédagogique de la Pédagogie de l’autonomie de Jean Vassileff, à savoir : Mise en confiance — implication personnelle – transparence conceptuelle et pédagogique — exercice de droits pédagogiques (la liberté) — accompagnement de projets — travail sur l’authenticité — la dynamique de groupe, Histoires de Vie en formation – mettre la capacité d’adaptation au service de la capacité de projection —apprendre à se projeter de manière authentique – assumer ses actes, c’est à dire d’être responsable. 

Dans un contexte professionnel, que ce soit en tant que salarié ou dirigeant d’entreprise, que peut-on faire pour mettre l’autonomie au service de la protection de la planète et de ses habitants ?

La réponse à cette question est très simple et très complexe à la fois. Simple parce qu’une personne autonome intègre la protection de l’environnement et la considération de ses congénères dans sa vie quotidienne. Très complexe parce que, de manière indirecte, votre question aborde les notions de rôle social, de pouvoir, de projet sur autrui, de production, donc de l’économie, de management, donc l’organisation du travail, de projet de société personnel de chacun, donc le projet politique, de rapport à l’environnement naturel.

Le travail sur l’autonomie est un travail complexe. Et parce qu’il est complexe, il nous permet de tisser des liens entre les dimensions de la vie humaine qui ont été volontairement découpées par l’approche scientifique classique et dont se sont laissées influencées aussi bien les sciences humaines et sociales que la politique, la pédagogie et l’éducation.

Ainsi, il me semble que chaque salarié, chaque dirigeant a une connaissance approfondie de son activité et de son entreprise (du moins ceci est à espérer). Par conséquent, chaque salarié, chaque dirigeant a la capacité d’analyser son activité en termes d’impact sur l’environnement, d’impact sur ses congénères.

Malheureusement, nous vivons dans une société caractérisée entre autres par l’arbitraire et la déresponsabilisation. Souvent, l’individu rejette la responsabilité sur quelqu’un d’autre, d’après la devise : « On m’a dit de faire ça. » Ce cercle vicieux crée le monde tel qu’il est aujourd’hui. Comme vous l’avez fait remarquer, l’autonomie comporte la dimension de responsabilité. Le subterfuge consistant à rejeter constamment la responsabilité sur quelqu’un d’autre n’est donc plus possible pour une personne qui vise son autonomie. Et c’est par ailleurs le contraire de ce qui se produit pour elle. Elle est consciente de sa responsabilité et l’assume.

Dans ce contexte, l’autonomie crée entre autres un rapport bienveillant quant à l’environnement naturel. Car à l’intérieur de notre processus d’autonomisation, nous devenons conscients que nous sommes issus et dépendants de notre environnement. Seule la mégalomanie, malheureusement très répandue parmi les humains, s’imagine de pouvoir remplacer la richesse de la nature par les constructions techniques de l’humain. (Par exemple, la crise sanitaire a été prédite par des scientifiques, mais leurs avertissements de longue date ont été et continuent à être simplement neutralisés.)

Cette dynamique multidimensionnelle de l’autonomie crée donc des attitudes, des prises d’initiatives en faveur de l’environnement en se projetant de manière authentique et responsable dans la vie de son entreprise.

Par exemple, l’échange authentique, réel, immédiat entre collègues, animé par un dirigeant autonome, est une source de gain extraordinaire quant au temps et à l’énergie investis dans la communication inutile et redondante via mails et sms, le rattrapage des erreurs, etc.

A ce titre et en cohérence avec le deuxième principe de la thermodynamique, nous savons par exemple que chaque mail envoyé crée un désordre énergétique ailleurs, c’est-à-dire une dégradation de l’énergie utilisée. Or il paraît que la problématique de l’énergie soit en lien direct avec la protection de l’environnement. Quelle conclusion en tirons-nous ? 

Que peut-on attendre concrètement de l’autonomie ? Que peut-elle nous apporter ?

Cette question permet de faire référence à Edgar Morin, sa pensée complexe et son invitation à changer de paradigme. L’autonomie est un projet de vie dépassant positivement, de manière constructive, la société de loisirs affligeants, de consommation et de gaspillage irresponsables, qui est la nôtre. Dans notre monde déterminé par l’idéologie de l’argent et du profit, il est primordial que nos investissements nous apportent quelque chose.

Or l’autonomie n’est pas extérieure à la personne qui souhaite travailler sur son autonomie. Il n’y a pas de scission entre la personne et son autonomie. L’autonomie est une dynamique de vie. Se projeter devient essentiel pour la personne autonome. Et quand on a appris à se projeter avec ses valeurs véritablement personnelles dans son environnement social, dans la société, en prenant en compte ses congénères et son environnement naturel, on s’aperçoit de la richesse existentielle d’une vie vécue sous l’égide de la finalité de l’autonomie.

Ainsi l’autonomie est quelque part une utopie. Une utopie qui est d’abord personnelle, par la suite sociétale. Mais attention, une utopie est quelque chose qui n’existe pas encore et non quelque chose d’irréalisable. Ainsi l’autonomie, la vie sous l’égide de nos propres lois, nous incite à créer ce qui auparavant n’existait pas encore pour nous.

Par conséquent, c’est notre volonté et initiative de nous récréer différemment dans nos rapports à la vie, aux autres, à la société, à l’environnement naturel. Et malgré toutes les résistances et neutralisations que nous pouvons rencontrer et subir, nous éprouvons la profonde satisfaction de réellement essayer de réaliser et de vivre nos convictions.

Dans ce processus, la question de ce que l’autonomie nous apporte n’a plus de sens parce que nous sommes ce que nous souhaitons être. 

Les angoisses dont souffrent les êtres humains sont au centre de la grille d’analyse que vous proposez. Ces angoisses sont certainement très présentes en entreprise, comment dépasser ces angoisses dans le contexte professionnel ?

L’entreprise est le lieu qui donne à l’individu un statut social, définit son rôle social, sa reconnaissance sociale parce que l’entreprise est un lieu de production de biens et/ou de services. Ainsi, c’est un endroit charnière dans la société où les dimensions sociologiques et psychologiques des personnes se vivent de manière particulièrement concentrée.

Or la manière dont le contexte économique des pays développés est géré depuis 50 ans ne peut que renforcer les angoisses existentielles des êtres humains. Nous vivons en situation d’abondance économique, or on parle de crise économique pour justifier le choix politique de ne pas résoudre la crise de l’emploi et ainsi perpétuer l’énorme disparité des revenus. Par conséquent, nous vivons dans un monde de l’incertitude et de l’arbitraire économiques. Or l’arbitraire attise l’angoisse.

Dans ce contexte, nous savons tous à quel point le savoir est une donnée très importante qui peut nous permettre de sortir de l’incertitude, d’arrêter de mettre les autres dans l’incertitude, de cesser de se soumettre aux experts et de se créer sa propre culture en phase avec ses propres valeurs.

Par conséquent, l’autonomie est aussi une entreprise de conscientisation, d’apprentissage, de création individuelle et collective de rapports humains au-delà des enjeux de pouvoir, de l’exploitation et de l’aliénation. Appliquée dans un lieu de production, elle propose une organisation de cette production et des relations professionnelles et collégiales selon les principes de l’autogestion. C’est un apprentissage qui nécessite du temps, de l’énergie et surtout la volonté des personnes concernées à s’engager dans ce processus.

Or cette dynamique abaisse les angoisses tout simplement parce que le projet d’entreprise intègre dans sa nécessité de production des biens et/ou services en même temps la création de rapports interindividuels constructifs et bienveillants entre les êtres humains. L’être humain est reconnu en tant que tel, il n’est plus seulement une ressource humaine.

D’ailleurs, le dernier manuscrit de Jean Vassileff visait justement à faire réfléchir les chefs d’entreprise sur un processus pédagogique permettant d’enclencher dans des lieux de production l’augmentation de l’autonomie des acteurs de l’entreprise. Aujourd’hui, son « management pédagogique » mériterait d’être appliqué dans notre société qui se dit en transition. C’est une recherche-action très pertinente à mener. Que des personnes intéressées par ce processus complexe n’hésitent pas à prendre contact avec moi. 

Enfin, chez MotiWeb, nous voulons aider les entreprises en transition à communiquer de manière responsable et durable. Quel est votre regard sur la fonction marketing (ou plus largement, sur la communication d’entreprise) ? Comment rendre ces outils au service de la transition civilisationnelle plutôt que les laisser faire partie du problème ?

Cette question me rappelle l’attitude pédagogique de mon ami Jean Vassileff. Son choix de pédagogue consistait à proposer aux professionnels de travailler avec eux sur leur autonomie, sachant qu’une personne autonome intégrera dans son projet d’autonomie les tenants et aboutissants de son domaine professionnel. Je pense que son choix était extrêmement pertinent. Ainsi, comme je n’ai pas étudié le marketing, je ne me sens pas compétent de dire quelque chose de censé à ce niveau. Par contre, j’ai étudié un certain nombre d’ouvrages économiques. Ainsi, il me semble que notre manière de faire aujourd’hui de l’économie est complètement obsolète, dangereuse et inadaptée. Adam Smith prévoyait un âge d’or pour les sociétés s’engageant dans la science économique dont il était un des précurseurs, John Maynard Keynes dont la politique économique a sauvé le capitalisme, prédisait que les préoccupations économiques deviendraient un jour secondaires pour l’humanité.

Sur le plan économique, ce moment est arrivé il y a 50 ans dans les pays se voulant développés. Or, depuis, on a perverti l’économie en préoccupation de croissance. Ainsi, on crée des besoins superflus, on organise le gaspillage (par exemple l’obsolescence programmée est une pure ineptie sur le plan économique), le citoyen s’est laissé transformer en consommateur. La philosophie de « consommacteur » a remplacé la réflexion globale, complexe ainsi que l’engagement politique.

L’invitation à changer de paradigme est issue de ce passage des sociétés occidentales d’un état de rareté économique à un état d’abondance économique. Ainsi, il me semble que nous sommes invités à changer notre rapport au monde. D’où mon attachement à la pédagogie de l’autonomie de Jean Vassileff qui permet cette recherche-action individuelle et collective.

Par ailleurs, le sociologue français Bernard Stiegler invite à construire une économie du soin. Je pense qu’il a raison. Il faudrait savoir prendre soin de la vie qui nous entoure au lieu de l’exploiter et de la détruire. Cependant, ceci nécessite à mon avis d’apprendre à sortir d’une approche technologique qui reste largement majoritaire dans notre représentation occidentale, sans la nier pour autant.

Or les résistances institutionnelles politiques et économiques sont grandes. Ainsi, un rapport individuel, positif et bienveillant, immédiat (c’est-à-dire sans média) à l’environnement se présente sous l’égide du capitalisme financier mondialisé sous forme d’un concept flou et peu concret, la fameuse « transition écologique ». Cette dernière nous incite à changer de produits, donc à acheter, ce qui permet aux producteurs de vendre. Ainsi, nous restons dans ce que nous connaissons. Or, comme déjà exprimé, il nous faudrait construire ce qui n’existe pas encore, surtout sur le plan sociétal, c’est-à-dire inverser l’articulation des valeurs qui guident nos actes.

Ainsi, je ne sais pas quelle forme peut prendre le marketing dans une société qui veut vraiment changer de paradigme, donc sortir de l’économie du marché (du capitalisme) qui lui-même a inventé le marketing pour pouvoir continuer à fonctionner.

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